Le Château

Les armoiries - Famille de Melun

Les armoiries sont un langage spécifique et codifié apparu au cours du Moyen Âge : elles permettent l’identification d’un individu ou d’un groupe dans la société. Le prestige des familles liées au château fort de Blandy permet d’aborder les multiples facettes de ce langage.

Les origines des armes

Les armoiries apparaissent dans la première moitié du XIIème siècle pour identifier un individu, une famille ou encore un groupe. Elles se diffusent et se généralisent dans la société au cours de ce même siècle et au début du suivant.

Plusieurs raisons préludent à leur apparition :

  • L’évolution du matériel militaire. En effet, le développement d’un attirail complet, en particulier le heaume dissimulant le visage sur le champ de bataille, exige de nouvelles pratiques pour la reconnaissance des soldats lors de la bataille.
  • Les mutations de la société autour de l’an mil : la chute de l’empire carolingien entraine un très fort morcellement du pouvoir entre divers petits groupes dans la société féodale. Dans cette mosaïque de pouvoir, il devient nécessaire de marquer son individualité et de se faire reconnaitre par de nouveaux moyens (développement des patronymes, évolution des modes vestimentaires permettant une identification immédiate de l’individu selon son groupe, sceaux).

* Pour les mots en gras, la définition se trouve dans le bloc de droite "Lexique".

L’héraldique : le langage des armes

Un langage codifié

L’ héraldique et le blasonnement sont codifiés par des règles spécifiques. Par exemple les couleurs sont divisées en deux groupes :

  • les EMAUX : le bleu, le rouge, le vert et le noir
  • les METAUX : le jaune et le blanc.

Par ailleurs les émaux et les métaux ont un nom spécifique : l’ azur correspond au bleu, gueule au rouge, sinople au vert et sable au noir ; pour les métaux le jaune est dit or et le blanc, argent.

Les parties des blasons ont également un nom spécifique :

  • le champ est la partie centrale, celle qu’on décrit en premier
  • la pointe est la partie basse
  • le chef  est la partie haute
  • dextre correspond à la droite
  • senestre correspond à la gauche.

La description des armes se fait depuis la position de celui qui les porte : ainsi destre est la gauche pour celui qui les regarde.

Description des armes de la famille de Melun

On dit que le blasonnement de celui de la famille de Melun (ci-contre) est « d’azur à sept besants d’or 3, 3 et 1 au chef du même ».

D’ « azur », c’est-à-dire que le champ, le fond, est bleu. « à sept besants d’or 3, 3 et 1» car sept cercles jaunes sont représentés et disposés en trois rangées ; les deux rangées supérieures comprenant trois cercles, la dernière, un seul. « au chef du même » parce que la partie supérieure du blason (le chef) est de la même couleur que les besants, c’est-à-dire jaune (or en langage héraldique).

Un langage symbolique

Si le blason est un langage codifié permettant de reconnaitre un individu ou une famille, il est plus difficile d’en faire une interprétation symbolique, car on en connait rarement l’origine.

Par exemple, les besants, présents sur le blason de la famille de Melun, pourraient désigner un Croisé, car c’est le nom d’une pièce de monnaie byzantine donc celui qui le porte serait allé en Orient. Mais ils pourraient également désigner celui qui a le droit de battre monnaie ou encore un argentier ou le maître d’hôtel d’un souverain.

Cependant, les blasons peuvent être parlants, c’est-à-dire que la figure du blason peut être un jeu de mots ou un rébus rappelant le nom de son propriétaire. Ainsi, la plaque de cheminée aux armes de Nicolas Fouquet, conservée dans la tour des Archives, en est un parfait exemple. Provenant du château de Vaux-le-Vicomte et apportée ici par le maréchal de Villars, on y voit le blason soutenu par deux lions et surmonté de la devise latine de Nicolas Fouquet (« Quo non ascendet ? » « Jusqu’où ne montera-t-il pas ? ») et d’un heaume avec cimier. La figure centrale du blason est un écureuil. C’est compréhensible, lorsqu’on sait que la famille Fouquet venait de l’ouest de la France et qu’en gallo (dialecte de cette partie de la France) fouquet signifie écureuil.

Évolution et transmission

En principe, tout le monde peut avoir des armes : les nobles sont d’abord concernés, puis les femmes, les artisans, les villes, etc. Nous ne connaissons aucun texte restreignant l’usage des armoiries, en revanche il est interdit d’usurper celles d’un autre.

À partir du XIVème siècle, la composition des armes se charge, on multiplie les quartiers afin de montrer les alliances et les parentés prestigieuses.

Les armes de Guillaume IV sont représentatives de cette tendance. Issu de l’alliance de deux grandes familles : celle de Melun et celle de Tancarville, famille normande proche de la famille ducale dès l’époque de Guillaume le Conquérant. Ses armes sont divisées en quatre quartiers (on dit qu’elles sont écartelées) ; les armes de la famille de Melun sont en haut à gauche et en bas à droite, celles de la famille de Tancarville en haut à droite et en bas à gauche.

Les armes d’une famille sont héréditaires, mais seul l’aîné masculin, le « chef d’armes » peut prendre les mêmes armes que son père, seulement quand celui-ci est mort ; les autres frères doivent modifier leurs armes, c’est ce qu’on appelle la brisure (les filles ont les mêmes que leur pères jusqu’à leur mariage, ensuite elles prennent celles de leur mari).

Cette brisure peut être :

  • Une inversion des couleurs du fond et de la (des) figure(s).
  • Un ajout ou suppression d’une figure.

Les armes de Jean de Dunois, vicomte de Melun au XVème, en sont la parfaite illustration :

  • Les trois fleurs de lys sur fond d’azur sont les armes de la famille royale depuis les années 1370.
  • Le père de Jean de Dunois, Louis d’Orléans, était le fils cadet de Charles V : afin de le distinguer de son aîné, son blason est brisé par un lambel d’argent.
  • Jean de Dunois étant fils illégitime de Louis d’Orléans, ses armes portent le signe de cette bâtardise qu’est la barre.

Les armes de Jean de Dunois, vicomte de Melun au XVème, en sont la parfaite illustration :

Ses héritiers, afin de supprimer cette expression de la bâtardise, transforment la barre en bande.

Ci-contre, les armes de François d’Orléans-Longueville conservées au château.

L’exemple des armoiries de la famille de Melun (cf. représentation ci-dessus) :

l’écu est soutenu par deux soldats (dans d’autres cas, il peut s’agir d’animaux, comme pour les armoiries de Guillaume de Tancarville, reproduites plus haut).

Au-dessus de cet écu, on trouve la couronne, le heaume à cimier, le cri de guerre et la devise. Le cimier du heaume est particulièrement intéressant car ici il représente un taureau sortant d’une tour. On le retrouve dans les armoiries de Guillaume de Tancarville, mais également dans la représentation de Jean de Melun, issue du Grand Armorial de la Toison d’Or, conservé à la BnF. Ce cimier a deux fonctions. La première, symbolique, vise à impressionner l’ennemi et à grandir celui qui le porte ; le chevalier s’identifie à cet animal, il en tire une partie de sa force. Cependant, son usage devait être avant tout limité aux tournois et aux parades. En effet, le cimier était avant tout un assemblage de bois, cuir, tissu, plumes, etc. Ce qui le rendait fragile et posait des problèmes d’équilibre.

Le cimier sert également à l’identification de membres d’une famille élargie. Ainsi, la branche aîné (celle des vicomtes de Melun) et la branche cadette (celle des comtes et princes d’Epinoy) de la famille de Melun.

AUTEURS

Auteur

Mathias Boudot

Bibliographie

  • M. PASTOUREAU, Une histoire symbolique du Moyen Âge, Seuil, Paris, 2004.
  • C.WENZLER, Le guide de l’héraldique, éd. Ouest-France, Rennes, 2002. e