Quoiqu'il en soit, l'opinion publique s'empara de l'affaire. La Monarchie de Juillet avait déjà été ébranlée quelques mois plus tôt par deux affaires ayant impliqué des Pairs de France. Les opposants politiques utilisèrent donc ce crime pour dénoncer la corruption des moeurs dans la haute société et plus particulièrement dans l'entourage du roi Louis-Philippe. Le gouvernement fut même accusé d'avoir fourni le poison au Duc pour lui éviter le procès et ainsi le soustraire à la justice. On raconta aussi que le Duc n'était pas vraiment mort mais qu'en réalité il avait été exfiltré vers le Nicaragua pour y mourir en 1882 soit 35 ans plus tard. Loin des rumeurs, la réalité de l'affaire du meurtre de la Duchesse était plus complexe qu'on ne l'imagina à l'époque.
"Fanny Sébastiani fut outrageusement gâtée par une aïeule qui la considérait comme la huitième merveille du monde... " Luciana Clevering
Nous savons aujourd'hui que Fanny Sébastiani, fille unique du Maréchal Sébastiani, fut élevée dans le luxe et la profusion par sa grand-mère. Ses amies d'enfance, la décrivait comme étant belle mais capricieuse, emportée et sujette à de brusques changement d'humeur. Son père qui ne lui refusait jamais rien, l'avait promise au fils du Duc de Fitz-James. Cependant, lors d'un voyage avec sa grand-mère, elle visita le château de Vaux-le-Vicomte qui appartenait à la famille des Choiseul-Praslin. Elle fut immédiatement conquise par cette splendide demeure qui avait autrefois poussé Louis XIV à construire Versailles. Par la suite, lors d'un bal, elle repéra le jeune Théobald de Choiseul, futur Duc de Choiseul-Praslin (son père étant encore vivant, il n'était encore que Marquis de Praslin). Il semblerait alors qu'elle ait fait le pari avec ses amies de l'épouser et ainsi devenir la future maîtresse de Vaux-le-Vicomte. Un pari qu'elle gagna puisqu'elle parvint à convaincre son père de l'intérêt de cette union. De son côté, le Duc de Choiseul, père de Théobald, n'y vit pas non plus d'inconvénient car la dot de Fanny bien garnie et lui permettrait l'entretien et les réparations du château de Vaux-le-Vicomte.
Le 18 Octobre 1824, les jeunes gens furent donc mariés. On les disait très amoureux l'un de l'autre et ils eurent ainsi 10 enfants en 15 ans dont 9 survécurent. Mais après sa dixième grossesse, Fanny, que Victor Hugo décrivait déjà en 1830 comme étant "belle et grasse", devint obèse jusqu'à peser plus 100kg à sa mort. Son mari commença alors à délaisser le lit conjugal. Elle le vécu très mal. Ses sautes d'humeurs s'amplifièrent, de même que sa jalousie. Le Duc la décrivait désormais dans sa correspondance comme colérique, ne supportant plus la moindre frustration. Si lui, s'épanouissait en élevant ses enfants, elle éprouvait quant à elle une véritable obsession pour son époux. Elle lui écrivait de nombreuses lettres lui vouant son amour, s'excusant de ses violences verbales, lui promettant de corriger ses défauts et l'appelant "le meilleur des hommes". Lettres auxquelles il ne répondit jamais.
"Eh bien ! tout me coûte, m'attriste, me pèse, me déplaît, parce que je suis mal avec toi et pour toujours, je commence à le craindre, à moins que tu n'aies pitié de moi. Je suis dans un état trop violent pour qu'il puisse durer : oh ! je tacherai de me calmer, mais si tu savais ce que je souffre, tu m'en voudrais moins." (Lettre de Fanny à son époux datant d'avant le 1er Mai 1841).
Plus son mari la fuyait, plus elle le poursuivait. Plus elle le poursuivait, plus il s'enfermait dans le silence et la froideur à son égard. Si l'on sait aujourd'hui qu'il eut quelques maîtresses à partir de 1839, rien ne prouve qu'Henriette Deluzy fut l'une d'entre elle. La relation du couple continua ainsi de se dégrader jusqu'à cette triste nuit d'août 1847. On pourrait voir dans cette histoire tragique un simple drame conjugal du XIXe siècle mais, comme nous l'avons vu plus haut, les politiciens républicains s'emparèrent de l'affaire pour nuire au gouvernement du roi Louis-Philippe. Six mois après ces faits, la révolution de 1848 éclata et le roi fut contraint d'abdiquer. C'était le début de la IIe République française.